L'illusionniste = laissez-vous hypnotiser....
Menu du vendredi soir : ciné ! Soirée depuis longtemps programmée avec ma cousine, maintes fois repoussée, on n'a pas vu passer les jours. Et comme deux bleues, on a raté Casino Royale. Bon, tant pis, on y va quand même, avec la ferme décision de ne pas se prendre la tête avec un truc psychologique (moi, surtout après m'être abreuvée de TF1 tout l'aprem), ni qui empêche de dormir. Attirées par Edward Norton, toujours parfait quel que soit le rôle, on choisit :
C'est une adaptation de la nouvelle "Eisenheim l'Illusionniste", incluse dans le recueil Le Musée Barnum de Steven Millhauser, que j'ai l'intention de commander ce matin et dont je vous en dirais des nouvelles dès que lu. Ne vous faites pas d'illusions, je ne compte pas vous résumer le film, mais je voudrais vous restituer un peu de sa magie, telle qu'elle m'est apparue.
Esprits rationnels, frappez une fois euh déposez votre cartésianisme au vestiaire !
Le début, un peu long, ce qui peut déconcerter, est narré à la manière d'un conte de fées et réalisé comme tel. Un jeune garçon, magicien à ses heures, tombe amoureux d'une fille Sophie De Quelquechose donc qui n'est pas de son milieu (l'atemporel Roméo & Juliette). Le couple 'd'adulescents' est séparé.
L'histoire et l'action commencent rééllement en 1900 à Vienne. La ville est alors un centre névralgique des arts en Europe ; apparaît sur ses scènes un illusioniste, Eisenheim, qui n'est autre que l'ado du début. Ses tours, inédits et spectaculaires, fascinent les viennois de toutes les couches sociales. Cet engouement pour l'irrationnel ne plait pas du tout au prince héritier, d'autant plus que sa fiancée est l'amour de jeunesse du magicien. Il lui colle aux basques un policier, chargé de trouver la vérité dans l'illusion et de détruire l'image et l'aura publique d'Eisenheim.
Norton est PARFAIT, pire que d'habitude, son personnage est saisissant de vérité. Tous les personnages quels qu'ils soient, premiers rôles ou seconds couteaux jusqu'aux figurants, sont bons, mention spéciale au prince héritier, son regard froid et sa moustache frémissante de folie contenue.
Le film restitue une atmosphère plutôt intime ; les couleurs des costumes d'époque sont accordées aux tons de la ville (Prague parce qu'elle correspond mieux à ce qu'était Vienne début XX°) : ocres, verts beiges. Tout semble être éclairé "à la bougie", le film oscille entre un clair-obscur pour les scènes à l'intérieur et une douce lumière du soleil pour l'extérieur ; on ne peut pratiquement jamais déterminer si ce sont les nuages qui diminuent l'intensité de l'astre ou si au contraire ce sont les rayons du soleil qui percent les nuages. Les ombres changent lorsqu'il s'agit de Einseinheim, il est comme nimbé dans une lumière surnaturelle mais chaleureuse, ou environné de ténèbres aux nuances de rouge. Lorsqu'il s'agit du prince héritier Léopold, au contraire, la palette tend plus sur les jaunes pour mieux souligner son teint verdâtre. Les effets spéciaux et les décors naturels comme intérieurs sont extras, chaque détail prend sa place.
Au delà de l'histoire, le film pose la question (à moi il me l'a posée en tout cas) atemporelle des limites du possible entre le rationnel et l'irrationnel. Comment l'être irrationnel (incarné par Eisenheim) applique le réel sur sa vision des choses. Comment l'être rationnel (le policier) applique sa vision des choses sur le réel. Le choix du policier n'est pas anodin, à la base un flic vit de preuves et de calculs scientifiques, de tangible. Mais la magie l'attire. Le fil entre les deux pôles caractériels qui se disputent en lui, l'homme et le policier, est ténu et se détruira. Le monde de l'invisible et du surréel l'attire mais en être rationnel par nature il tente de le tenir à distance en agissant pour discréditer l'illusionniste.
Selon le point de vue soutenu, le monde n'est qu'une illusion ; la fin nous montre, pour paraphraser une série tv célèbre, que la vérité peut être ailleurs. Appartient-elle au monde du réel cette vérité? Ou à celui de l'illusion ? L'accroche du film est : "Rien n'est tel que nous le voyons". On replonge dans la dernière phrase de mon sujet d'exam, avec le problème de la vision de l'objet qui est souvent distancée par un procédé de projection dans un miroir : on se réflète l'objet, le monde, mais on ne voit que ce qu'on veut bien y voir, le monde n'est pas forcément dans le miroir....
Qu'ajouterais-je? Le final est un délice.... En plus, comme je bosse tout le week-end, faites moi plaisir, si vous avez le temps d'aller au ciné optez pour L'illusionniste, vous ne serez certainement pas déçus et on pourra débattre des qualités plastiques de la lumière sur les visages :-p
EDIT DU 20 à 21h50 : Comme j'ai la "vexation facile" en ce moment et que j'ai tendance à me défendre quand je n'ai pas tort, pour vous prouver que non, je n'ai rien raconté du film - jeux de lumière mis à part, mais ça n'a rien à voir avec l'intrigue-, je vous conseille de lire le résumé que je viens de trouver, et vous verrez!! "Ils" donnent les grandes lignes, comme moi, et détaillent même plus ; il y a aussi le synopsis du dossier de presse, ce qu'on sait avant d'aller voir le film, vous verrez que vous n'en savez pas plus chez moi. J'ajouterais ceci, à comparer avec cela. La dernière partie de l'article n'est pas évoquée dans le film, ce n'est pas l'histoire mais ma réflexion personnelle ;-p ( ceci dit juste en passant, suis formée à la critique (littéraire mais c'est pareil hormis les termes techniques), hein....) Bon dimanche sous la flotte !!